C’est la princesse qui joue le rôle de prédateur ou de chasseur et tend le piège à sa proie. Enfin bref, j'ai tout de suite pensé à Peau d' âne, qui fait un cake d' amour pour son prince. En outre, son recours aux miroirs fait clairement référence au cinéma de Jean Cocteau qui, dans presque tous ses films, établit une équivalence entre « les miroirs, le narcissisme et l’homosexualité78 ». 7En 1781, une version en prose du conte est publiée et attribuée à Perrault. Blanche-Neige se met à la ranger avec l’aide des animaux, leur ayant préalablement appris à faire le ménage correctement. Gersaint est le fournisseur des accessoires de la mise en scène aristocratique. La première robe est « couleur du temps », la deuxième « couleur de la lune » et la troisième « couleur du soleil ». 2Si des contes de Perrault comme « Cendrillon », « La Belle au bois dormant » et « Le Petit Poucet » ont souvent trouvé le chemin du grand écran dès les origines du cinéma français, peu de cinéastes se sont risqués à faire une adaptation cinématographique de cette histoire d’un roi incestueux qui veut épouser sa très jolie fille5. L’ironie, c’est que l’on pourrait dire que ce mélange du noble et du sale, de l’animal et de l’humain rend « impropre » (au sens de Beaver) cette scène de domesticité. 56L’idée d’une Marie-Antoinette comme œuvre d’art et comme spectacle revient dans plusieurs autres scènes. Cette bouche féminine évoque celle qui est incorporée dans la paume de la main du peintre du Sang d’un poète. <>/XObject<>/ProcSet[/PDF/Text/ImageB/ImageC/ImageI] >>/Annots[ 11 0 R] /MediaBox[ 0 0 595.32 841.92] /Contents 4 0 R/Group<>/Tabs/S/StructParents 0>>
21 Demy affirme : « Je voulais différencier les deux châteaux : d’un côté, le sang royal, le sang bleu, conservateur ; et de l’autre cette espèce de prince un peu révolutionnaire et tout cet univers rouge » (cité dans J.-P. Berthomé, op. Toutefois, pour les besoins de mon analyse, je maintiens ici la distinction entre les deux. 23Dans le schéma freudien, l’homosexualité masculine a pour objet le désir du père39. Par exemple, la princesse qui habite le château bleu de la fin du Moyen Âge s’habille selon les conventions du XVIIIe siècle, alors que le château rouge de la Renaissance abrite un prince vêtu à la mode du XVIe siècle54. Erik Aschengreen relève que le cercle d’Apollinaire tenait Cocteau pour « un dandy intelligent mais ennuyeux » (voir E. Aschengreen, Jean Cocteau and the Dance, trad. De même, les appartements du roi regorgent de plantes grimpantes et le souverain est assis sur un trône en forme de chat24. 75 Émile Vanderburch et al., Peau d’âne, op. Comme l’affirme Rousseau, suivi plus tard par Sigmund Freud et Claude Lévi-Strauss, la prohibition de l’inceste marque l’accession de l’état de nature à celui de culture ou de l’état animal à l’état humain. 38Selon Kristin Ross, après la Seconde Guerre mondiale, alors que l’empire colonial français s’effondrait au cours des années 1950 et 1960, on donna une nouvelle importance à la vie ménagère et à l’économie politique du foyer, dont la « propreté » devait promouvoir une distinction nouvelle entre la France et les colonies, et symboliser l’entrée du pays dans la modernité : « Un ménage efficace, bien tenu et harmonieux est un atout pour la nation : la qualité de l’environnement domestique a une influence capitale sur la condition physique et la santé de la nation. 187 en parlent. En second lieu, l’association de l’homosexualité avec l’inceste ne rend guère justice au désir queer qui s’en trouve stigmatisé comme forme anormale et perverse de sexualité. 69 L’auteur a ici recours à la notion de self-fashioning, que l’on doit à Stephen Greenblatt (voir Renaissance self-fashioning, Chicago, Chicago University Press, 1980). L’une et l’autre se servent très fréquemment de miroirs dans la construction réfléchie de leur identité individuelle qu’elles présentent, tant à autrui qu’à elles-mêmes, comme une œuvre d’art. cit., p. 245. 46Qu’il ait bien connu les contes de Madame d’Aulnoy ou non, Demy partage avec cette conteuse du XVIIe siècle le goût pour des personnages dont le soi est devenu un spectacle, pour les autres comme pour eux-mêmes72. <>>>
39 Freud analyse l’homosexualité en fonction de la « fixation à la mère » qui peut faire des « précoces rivaux […] les premiers objets homosexuels », l’un des principaux rivaux étant le père (Sigmund Freud, « De quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité », trad. Steven Bruhm résume la position de Freud en termes crus : « L’homosexuel masculin […] peut à la fois s’identifier au père et le désirer, ce qui conduit au malaise initial, décrit par Leo Bersani, selon lequel nous pourrions simultanément désirer être le père et désirer baiser le père ; dans le même temps, l’homosexuel masculin peut s’identifier à la mère par désir pour elle et adopter ainsi l’“axe négatif” consistant à désirer avec elle le phallus40. 22À l’époque où Cocteau et Demy (du moins dans la première partie de sa carrière) étaient en activité, le désir homosexuel masculin était considéré comme une concrétisation anormale du complexe d’Œdipe, dans laquelle l’enfant masculin désire le père au lieu de la mère. « Amour, amour, je t’aime tant … « Amour, amour, je t’aime tant » chantait Peau d’Âne. Bohèmes et bo... Chapitre III. Selon cet auteur, « l’allégeance au foyer et à la famille » est une valeur importante introduite dans ce film, comme dans d’autres réalisations de Disney61. cit., p. 1-9. Cette version apocryphe désigne la bonne fée du conte original de Perrault sous le nom de fée des Lilas et atténue, de manière significative, la culpabilité du père encore plus que ne le fait Perrault, tout d’abord par la requête de la reine qu’à sa mort, le roi prenne une nouvelle épouse et, ensuite, par les conseils que donnent au roi ses ministres d’épouser sa propre fille. 9Dans ce chapitre, je souhaite analyser la manière dont Demy apporte une tonalité camp au conte de Perrault pour donner sa forme au film et, par là même, mettre en évidence ce que ce conte recèle de si fascinant pour le cinéaste. AMOUR AMOUR (je t’aime tant) Comédien, chanteur et metteur en scène, le fondateur de la Compagnie Théâtrale de la Cité a conçu un spectacle de théâtre musical autour des sublimes chansons de Michel Legrand, de Peau d’âne aux Demoiselles de Rochefort en passant par Les Moulins de mon cœur. 77 « She just might be the world’s most beautiful woman. Sur les aspects utopiques du conte, voir Anne Duggan, « Feminine Genealogy, Matriarchy, and Utopia in the Fairy Tale of Marie-Catherine d’Aulnoy », Neophililogus, vol. Il est possible d’interpréter le déploiement d’incongruités comme là encore, une dénaturalisation du normal, de ce que nous admettons comme normal dans la vie… ou dans un conte. Ils ne sentiront pas, au moins ?L’Architecte : Bien sûr que non, Majesté.Marie-Antoinette : Parfait. En faisant désirer son père par la princesse, on pourrait dire que Demy rend le roi encore moins coupable que dans ces versions antérieures. 74 Émile Vanderburch et al., « Peau d’âne », op. Les contrastes s’accentuent lorsque les broussailles s’entrouvrent pour laisser la princesse entrer dans la demeure forestière de sa marraine, clin d’œil à « La Belle au bois dormant » de Perrault. […] La sexualité non normative avait été déjà été représentée dans la pièce Orphée (1926), l’inceste allait l’être dans son roman Les Enfants terribles (1929) ; l’inceste, la bisexualité et l’homosexualité dans La Machine infernale. (N.D.T.). Thomas Inge note que Disney et ses collaborateurs ont ancré les personnages du film dans la culture américaine des années 1930 (voir T. Inge, art. De 1901 à 1950, le conte figure dans au moins trente-six recueils et il est réimprimé neuf fois individuellement. 18Depuis l’Essai sur l’origine des langues de Rousseau (1781) et même avant, l’inceste est associé à l’animalité. Demy et Varda passaient régulièrement leurs vacances avec leurs enfants sur l’île de Noirmoutier. Comme Cocteau avant lui, Demy associe la monstruosité et l’inceste à des formes non normatives de sexualité37. L’article qui lui est consacré commence par « Catherine Deneuve, la plus belle actrice française » [« Catherine Deneuve, the most beautiful actress in France »] (p. 62). 12 Pour une brève comparaison des versions de « Peau d’âne » par Straparola, Basile et Perrault, voir Anne Duggan, Salonnières, Furies and Fairies : The Politics of Gender and Cultural Change in Absolutist France, Newark, University of Delaware Press, 2005, p. 149. Amour, amour, je t'aime tant. » La proximité entre les dialogues de la féerie et ceux du film, ainsi que le souci qu’ont la fée et la princesse pour leur image d’elles-mêmes, laissent penser que Demy connaissait la féerie. Amour, Amour, n'est pas bien sage Quand il a vécu trop longtemps le cœur content L'amour à la moindre anicroche s'effiloche Au clou du souvenir s'accroche L'amour se meurt avec le temps Amour, Amour, je t'aime tant Amour, Amour, je t'aime tant Le miroir symbolise la glorification de la superficialité et de l’apparence, ou ce que Christine Jones appelle une « esthétique de la frivolité73 ». Pour ce faire, il dénaturalise les tabous culturels et déstabilise les oppositions constitutives du système sexe-genre au sein duquel les femmes sont considérées comme les objets passifs du regard masculin et associées à la sphère domestique, et dans lequel la sexualité hétéronormative est la règle. Amour, amour, je t’aime tant » (Love, love, I love you so), croons Peau d’âne who offers us below the recipe of the love cake « préparez votre, préparez votre pâte, dans une jatte, dans une jatte plate…» (prepare your, prepare your dough, in a bowl, in a flat bowl…) Dans la scène finale du mariage, la princesse porte un col de même style, indication possible que, dans l’ordre conventionnel des choses qu’elle a intégré en renonçant à son désir incestueux, son statut sera inévitablement défié par de plus jeunes femmes à mesure que ses charmes s’atténueront. 36Tant chez Cocteau que chez Demy, des dichotomies telles que nature/culture, passé/présent, animé/inanimé, humain/animal, humain/végétal et féminin/masculin sont problématisées grâce à ces juxtapositions incongrues. 20Si nous acceptons l’idée de Fischlin selon laquelle « la Bête devient le signifiant même de la présence queer au sein du film », alors le choix de Marais par Demy pour interpréter le roi bestial (et incestueux) peut être vu comme l’inscription dans Peau d’âne d’une sexualité queer à travers une référence gay. À l’instar de l’idéologie naissante de la domesticité en France, inséparable de la modernisation synonyme d’américanisation, la « doctrine Disney » valorisait « la famille nucléaire et ses rituels afférents : mariage, parentalité, éducation des émotions et de l’esprit, et consommation62 ». Bon l'histoire est bien, c'est un conte intéressant ça y a pas de soucis, mais l'adaptation est vraiment mauvaise. « La Pléiade » 1996, p. 970. Mais, contrairement à la version pour la scène dans laquelle princesse et fée sont châtiées pour leur coquetterie, Demy met en valeur leur talent artistique. cit., p. 96). Pour le spectateur adulte initié, cet élément d’information sur le comédien suscite forcément une distance esthétique et même ironique entre l’acteur et le rôle, distance qui sème le trouble dans l’hétérosexualité apparente de la relation incestueuse entre père et fille, telle que la représente le film. Elles s’inscrivent dans la lignée du dandy à travers ce que Sima Godfrey appelle « la glorification délibérée du style et de l’élégance personnelle84 » par le dandy et, de façon apparentée, à travers la mise en scène de soi (pour soi-même autant que pour autrui). /Donc elle doit faire horreur. du danois par Patricia MacAndrew et Per Avsum, Copenhague, Glydendal, 1986, p. 73). Je préfère qu’ils ne sentent pas […] et je préfère qu’aucun paysan ne soit vieux. GAY-GRAFFITI est un site informatif sur la culture LGBT. Mon interprétation souligne la manière dont Demy transforme un conte qui véhicule traditionnellement, quoique de manière problématique, les normes hétérosexuelles en une histoire qui parle d’autres formes de sexualité. Si l’inceste est représenté comme une loi arbitraire dont le fondement est culturel et non naturel, il peut être aussi considéré en fonction du désir du sujet queer pour le père, projeté sur l’héroïne qui, elle-même, devient une « bête », à la fois animale et humaine, masculine et féminine. La société considère généralement deux hommes ou deux femmes amoureux l’un ou l’une de l’autre comme incongrus, ne se conformant pas à l’ordre des choses “normal”, “naturel”, “sain”49 », précise Babuscio. La fée répond : « Y penses-tu ? 46 Richard Dyer, Now You See It : Studies on Lesbian and Gay Film, New York, Routledge, 1990, p. 66. « Le film « Peau d’âne » enchante les générations depuis plusieurs décennies. ], Contes et légendes à l’écran, Condé-sur-Noireau, Corlet, 2005, p. 32). 59, no 2, 2006, p. 40. Tout au long de Peau d’âne, Demy réunit ces trois stratégies camp dans son recours à l’inceste comme trope des sexualités alternatives ; dans la récurrence des juxtapositions incongrues entre haut et bas, ancien et moderne, nature et culture, dont le but est de dénaturaliser les normes établies ; et dans la manière dont ses héroïnes, tels des dandys féminins, sont à la fois des œuvres d’art et des sujets désirants. Bloqué par ce mur invisible, le prince est contraint d’escalader un appentis pour contempler la princesse depuis une certaine fenêtre qui ne lui donne qu’un point de vue limité puisque la jeune femme lui tourne le dos. Dans ce film, Marion, comme la princesse de Peau d’âne, est un sujet désirant qui, d’ailleurs, suscite la relation avec l’homme Yves Montand, dont elle découvre par la suite qu’il est son père. Voir « Cowles Closing Look Magazine after 34 Years », New York Times, 17 septembre 1971, p. 1. Malgré la présence de références visuelles et thématiques au Blanche-Neige de Disney et au Magicien d’Oz, les allusions à Cocteau sont les plus parlantes car elles peuvent être lues comme autant d’inscriptions dans Peau d’âne d’éléments de l’esthétisme gay ou camp qui sapent l’hétéronormativité apparente et troublante du conte de Perrault et des versions ultérieures. Liberté artistique et satire grotesque. On ne se lasse pas de revoir la robe couleur du temps de Deneuve et de découvrir la recette du cake d’amour. 1L’intérêt que Jacques Demy portait depuis longtemps à « Peau d’âne », le conte problématique de Charles Perrault dont le sujet est la relation incestueuse entre un père et sa fille, a été remarqué par les commentateurs. Voir aussi Gayle Rubin, « The Traffic in Women : Notes on the “Political Economy” of Sex », dans Rayna R. Reiter (dir. Comme l’explique Dyer, « les miroirs esthétisent parce qu’ils encadrent des fragments de la réalité et les représentent sur une surface unidimensionnelle et miroitante : ils transforment la réalité en belles images67 ». 65 Je m’inspire ici de manière très générale du travail de Luce Irigaray. "Amour, amour, je t'aime tant, je t'aime tant..." il y a 3979 jours par Alice In Oliver | Cinéma et Télévision ... Peau d'Âne est un plus petit spectacle... une session Peau d'Âne, je les connait toutes par cœur!) Le père est puni pour son attention excessive et la fille doit porter une peau d’âne pendant un an et un jour afin d’expier sa vanité. Il est possible de prendre les propos de Demy pour argent comptant et d’accepter que la princesse voulant se marier avec son père soit « innocente ». Il faut pourtant souligner l’aspect problématique et choquant d’une telle position pour deux raisons au moins. Dans un entretien avec Bernard Bastide, Agnès Varda souligne à quel point le cinéaste aimait ce film et qu’adulte, « il n’a eu de cesse de se procurer des copies 16 mm de ces titres en dessin animé de Walt Disney, que nous regardions à Noirmoutier, lui surtout » (voir Bernard Bastide, « Plus que les contes… », art. 34 Irène Eynat-confino, On the Uses of the Fantastic in Modern Theatre : Cocteau, Oedipus, and the Monster, New York, Palgrave, 2008, p. 93. 13Dans son article intitulé « Homosexual Signs », Harold Beaver propose une analyse intéressante de l’homosexualité en rapport avec le cannibalisme et l’inceste, le lien sous-jacent résidant dans le défi apparent que de telles pratiques constituent à l’égard de l’injonction biblique « Croissez et multipliez ».